dimanche 23 novembre 2008

LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL

(XVII)

Le périple de 1925 : de Marseille à Londres

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La France

La Côte d'Azur

Petit intermède familial

J’interromps la publication de la causerie d’Eugène Corbeil – elle reprendra dans ma prochaine page – mais je présente le contenu de deux envois du curé à Léo et Éliane Bergeron qui s’inscrivent dans la chronologie des événements abordés jusqu’ici.

Pour la dernière partie de la croisière, il nous faut faire preuve d’imagination et ne se fier qu’aux cartes envoyées par le curé de Marseille et de Nice.

Le navire aurait quitté l’Égypte, probablement d’Alexandrie, le port le plus près du Caire, pour traverser la Méditerranée et accoster à Marseille, en France, là où se terminait, je crois, la croisière. Nos trois voyageurs sont sans doute descendus du paquebot qui retournait à son point de départ, New York. Et c’est probablement en train qu’ils ont ensuite longé la côte, vers Nice, Menton et remonté vers Rome, objet de la prochaine tranche de la causerie.

Je n’ai aucune carte de Rome, mais Corbeil en a sûrement rapporté, car il a demandé à Éliane, sur une des cartes reproduites ici, de lui en garder quelques-unes. Elles doivent être dans des archives qui demeurent introuvables, malgré mes recherches.

Deux des cartes expédiées de France à La Tuque ont été adressées à Léo Bergeron, le frère d’Éliane. Le jeune homme était un protégé du curé qui a généreusement aidé financièrement des jeunes gens doués à poursuivre leurs études classiques et universitaires.

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Marseille, 16 fév. 1925

Mon cher Léo,

Enfin je suis à Marseille après 35 jours de voyage bien intéressant au milieu d’un groupe d’Américains et de Français vraiment distingués. – J’ai été traité par tous avec la plus grande sympathie et je suis fort heureux des relations que j’ai liées sur le bateau. – Mais comme tu le comprends, tout cela ne pouvait me faire oublier ma chère paroisse et mes amis. Aussi j’avais bien hâte d’arriver à Marseille

[La suite est rédigée sur une carte que j’avais remise à Léo et que je n’ai pu récupérer.]

[Il manque ici une carte qui poursuivrait le texte. MRR]


Mlle Éliane Bergeron

La Tuque

Co. Champlain

PQ

Canada

Marseille, 16 fév. 1925

Ma très chère enfant,

Enfin après 35 jours de belle navigation, en compagnie charmante et après avoir parcouru et visité l’Orient, j’arrive à Marseille où je vais rencontrer tous les miens. – Quelles heures heureuses je viens de passer à vous relire tous. – J’ai lu et relu tes deux lettres du 13 et 14 janvier, celle de Sr. Supérieure, d’Yvette et de Léo et d’autres. Merci. – C’était du soleil et de la chaleur pour mon cœur alors que le mistral soulevait la Méditerranée et jetait de la pluie en abondance sur toute la côte. – Il nous est arrivé une aventure à Monaco.

[Note : Yvette est la sœur de Léo et Éliane.]

[...]

Elle s’est terminée un peu brusquement, mais c’a été en somme une très belle croisière.– Maintenant, nous irons à l’aventure, sans programme fait à l’avance. Demain, nous irons nous installer à Nice pour quelques jours et nous y trouverons plusieurs amis. Je suis heureux de savoir que tu te reposes à 4 hres. C’est l’heure qui convient le mieux (à mon avis) pour te remettre des fatigues de la journée. – J’ai lu avec un grand intérêt et agrément les deux lettres mauves et roses. – Je te dirai à mon retour le plaisir que j’ai eu à les lire. Tu écris bien; continue.
Je t’écrirai plus tard.
E. C. ptre

Cannes,

17 fév. 1925

Vive la Côte d’Azur, la bien nommée. Je t’envoie des effets de vagues que je n’ai pas vues mais qui sont réelles tout de même. Nous serons à Rome la semaine prochaine.

Sincèrement

E. C. pt.

Menton, 20 février 1925

Ma chère Éliane,

Toi qui aimes tant les parfums (ce qui n’est pas un reproche, au contraire, puisque aimer le bon et le respirer se lient comme la cause et l’effet), tu seras intéressée d’apprendre que je suis allé visiter une usine qui fabrique des parfums. – Là j’ai appris bien des choses que je ne savais pas, à savoir que la graisse de porc mêlé à la graisse de bœuf sert à extraire des fleurs les sucs parfumés, ensuite avec de l’alcool ou du pétrole on extrait de la graisse le parfum. – Puis il faut 10 tonnes de fleurs pour avoir 2 lbs de parfum. Avec les résidus, on fait les savons parfumés, etc. Voilà maintenant les mois [?] souvenirs de fleurs pour la fabrique de parfums. Ici c’est un coin du paradis puisqu’il n’y a pas d’hiver et que les arbres ont une vie éternelle. À peine les vieilles feuilles sont-elles tombées que déjà les bourgeons surgissent. Actuellement tous les arbres fruitiers sont en fleurs. – C’est un spectacle délicieux. Je t’apporte un peu de ce parfum liquide et solide. – J’imagine que tu le trouveras bon. – J’ai choisi celui que tu aimes (violette). Nous partons pour Rome demain soir et nous y serons samedi soir. Bons souvenirs.

Eug. C.

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Léo et Éliane Bergeron. La Tuque, 1906. Archives de Micheline Raîche-Roy.

Mon oncle, Léo Bergeron

J’ai prévu livrer dans un autre carnet un aperçu de l’histoire de ma famille. Je profiterai tout de même de celui-ci pour présenter mon oncle Léo, puisqu’il fut en quelque sorte le protégé de Corbeil qui lui permit de poursuivre ses études à l’extérieur de la ville.

Léo est né à Saint-Agapit, le 18 août 1905. Ses parents, Joseph-Honoré Bergeron et Élodie Paquet emménageront à La Tuque, sept ans plus tard. Léo fait ses études primaires au collège de La Tuque. Remarquant les aptitudes et l’intelligence du jeune garçon, le curé Corbeil conseilla à ses parents de lui faire poursuivre des études plus avancées avec, probablement, l’idée non avouée de le diriger vers la prêtrise. Le jeune homme revêtit la soutane pendant quelques mois, mais réalisa vite que ce n’était pas sa vocation. Il en prit conscience lors d’un séjour à l’hôpital , où il admira le dévouement des médecins qui l’ont soigné.

Léo avait fait son cours classique au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, puis ses études universitaires à l’université Laval, à Québec, où il reçut le parchemin de docteur en médecine, en juin 1932.

Léo Bergeron, finissant en médecine, juin 1932.

Archives de Micheline Raîche Roy.

Il entreprit sa carrière à La Malbaie, où il resta jusqu’en 1941, année où il achète la pharmacie de Maxime Comtois et sa clientèle, à La Tuque. Pendant 12 ans, il sera très apprécié de la population. À l'automne 1953, il s'installe à Sillery, car ma tante Germaine avait toujours rêvé de revenir dans sa ville natale. Il prend quelques mois de repos et, en avril 1954, il est médecin à la Commission des accidents du travail. Reconnaissant sa compétence, la Commission le nomme médecin-chef, poste qu’il occupera de 1967 à 1972.

Il est décédé le18 janvier 2001 chez son fils Jacques, à La Tuque, où il demeurait depuis le décès de son épouse.

La pharmacie Bergeron, en 1945, au 66, rue Saint-Joseph, à côté de ce qui était jusqu’à récemment l’épicerie J. A. Bertrand, devenue une boutique de location de DVD et de VHS, entre les rues Saint-Antoine et Saint-Louis. Le numéro civique deviendra le 332. Plus tard, ce furent la Pharmacie Marchand, la Mercerie Leblanc, propriété alors de Claude Cantin, puis un petit bar, qui occupèrent successivement le rez-de-chaussée de l'édifice. Actuellement, c'est une boutique d'articles du terroir tenue par deux jeunes femmes de La Bostonnais. Le dentiste Albani Sirois y eut son cabinet à l'étage pendant plusieurs années.

Photo tirée du site « Souvenirs du Dr Max Comtois », http://drcomtois.situs.qc.ca/emma.html.

À son arrivée à La Tuque, en 1941, la famille du médecin vivait à l’étage. Je me souviens qu'il y avait des clapiers dans la cour arrière. Un escalier montait du rez-de-chaussée au logement. Et le bureau d'oncle Léo était à l'arrière de la pharmacie.

Autre souvenir. Il y avait un comptoir où l'on servait la Melorol, cette glace en forme de rondelle entourée de carton, qu'il fallait déchirer avec précaution pour en extraire la crème glacée. Vers 1950, j’allais aider tante Yvette, gérante de la pharmacie, à servir les nombreux clients, le dimanche matin, après la messe.

Annonce tirée du St. Maurice Valley Chronicle. Celle de la Pharmacie Marchand, page 42 de la section des pages jaunes du bottin téléphonique de Télébec pour La Tuque et la Haute-Mauricie, publié en décembre 1970, précise que Jacques Marchand, son propriétaire, est "pharmacien et chimiste" (il est détenteur d'un B. A., d'un B. Ph. et d'une L. Ph.) et que son commerce vend toujours des "Bonbons Laura Secord".

En août 1932, Léo avait épousé Germaine Jalbert, la petite-fille de Damase Jalbert, le fondateur du célèbre village industriel de Val-Jalbert (http://www.sepaq.com/ct/val/fr/photos.html), au Lac-Saint-Jean, devenu un site historique.

Léo Bergeron et Germaine Jalbert posant devant l’édifice du parlement canadien, à Ottawa, le 27 août 1932. Archives de Micheline Raîche Roy.

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