mercredi 30 décembre 2009

DÉCÈS D'EUGÈNE CORBEIL


Dans l’après-midi, le jeudi 7 mars 1939, La Tuque perdait son curé fondateur, victime d’une crise cardiaque. La nouvelle fit l’objet d’une dépêche de la Presse canadienne, signalée par Lucien Desbiens, journaliste au Devoir, qui connaissait le type pour avoir écrit brièvement sur lui dans son court essai Au cœur de la Mauricie (1), publié quelque six ans auparavant. L’article de Desbiens sera reproduit dans l’hebdomadaire trifluvien Le Bien public qui, la semaine précédente avait annoncé la nouvelle et produit un hommage au défunt. Sans doute les quotidiens de Québec, Le Soleil et l’Action catholique, de Montréal, La Presse, firent-ils paraître également la nouvelle, de même que Le Nouvelliste de Trois-Rivières, et les petites publications régionales.

La dépouille d'Eugène Corbeil.

Photo extraite de l’essai de Françoise Bordeleau (2).

Gourmet, mais surtout gourmand, Corbeil souffrait d’obésité, condition qui avait provoqué chez lui différents maux. Espérant une guérison miracle, il avait suivi, on le sait déjà par sa correspondance que j’ai présentée dans ce blogue, une cure à Vichy, en France.

« C’est un régime très énergique, écrivait-il alors, et qui produira les meilleurs résultats … Non seulement mon cœur était malade, non seulement mon sang était intoxiqué par le poison, mais mon foie était très malade … Je retournerai guéri, c’est-à-dire avec un état normal …»

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« J’ai fait une cure sérieuse et j’ai obtenu de beaux résultats … Le séjour s’imposait, c’est le seul moyen de récupérer ma santé et voir clair pour l’avenir dans le régime que je devrai suivre … J’y ’ai trouvé une amélioration générale qui pourrait bien être la guérison parfaite… »

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Funérailles d’Eugène Corbeil, le 11 septembre 1939, à l’église Saint-Zéphirin de La Tuque.

Malheureusement, à son retour au pays, il est vite retombé dans ses mauvaises habitudes. Son médecin, Maxime Comtois, raconte dans ses souvenirs (3) les derniers instants de vie de son patient :

«… Je fus son médecin pendant dix-huit ans et à un moment donné [en 1937], en pleine crise cardiaque, je dus le transporter en avion à Montréal dans un petit avion fait pour deux personnes. Il fallut agrandir les portes pour glisser le malade dans la carlingue. La compagnie Brown avait nolisé cet avion au Lac-à-Beauce… À partir de cette crise, mon curé ne reprit jamais le dessus et deux ans plus tard, il me mourait dans les bras en me serrant la main avec de grosses larmes dans les yeux et en murmurant : « Max … »

Ce fut son dernier mot, je dois avouer que je pleurais comme un enfant, je perdais mon meilleur ami, mon compagnon de dix-huit ans, dont l’amitié ne s’était jamais démentie, et mon bienfaiteur. »

Extraits des registres de la paroisse Saint-Zéphirin, septembre 1939.

Photocopies aimablement fournies par Gail Aubé.

Ont signé de l’acte de sépulture de Corbeil :

H[ormisdas] Trudel, chanoine, curé, vicaire-général; Mgr J. A. Myrand, curé de Ste-Anne [Ottawa|] ; chanoine J. A. Joanisse, curé, Hull, Ottawa; L[ouis] Caron, ptre; André-Albert Dufour, ptre vic.; Philippe Chartrand, ptre, supérieur, Séminaire Ste-Thérèse; Fr. Chrysostome Lauzon, o.f.m.; J. A. Graton, ptre, curé de St-Nicolas ; Joseph Duval, ptre, chanoine, Trois-Rivières; Paul Blanchet, diocèse d’Amos; Germain Gervais, ptre; Alexandre Soucy, ptre; Lorette Simon (parente du défunt]; Adolphe Routhier [parent du défunt]; Omer Veillette, marguiller; [Nom illisible ]; Gabrielle Monet; Alfred-Odilon Comtois, év. des Trois-Rivières. C’est lui qui avait célébré le service funèbre.

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L’article est sans doute de Clément Marchand, le directeur du périodique.Le Bien public, 14 septembre 1939, p. 13.

Reprise de l’article de Lucien Desbiens. Le Bien public, 21 septembre 1939, p. 4.

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Carte mortuaire de Corbeil

Archives de Micheline Raîche-Roy

Le monument d‘Eugène Corbeil, cimetière de La Tuque.

Photo : Micheline Raîche Roy, juillet 2008.

Pierre tombale d’Eugène Corbeil, cimetière paroissial de La Tuque.

Photo : Micheline Raîche Roy, juillet 2008.

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Le 22 juin 1958, on dévoilait un monument à la mémoire de Corbeil. Le maire de l’époque, Onésime Dallaire, y dépose une couronne de fleurs.

Photo fournie par Jeanne Dallaire et parue dans l’essai de Françoise Bordeleau (2).

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(1) Lucien Desbiens, Au cœur de la Mauricie, Trois-Rivières, Éditions du «Bien public», coll. «Pages trifluviennes», série A, no 8, 1933.

(2) Françoise Bordeleau, Les 75 ans de la paroisse Saint-Zéphirin. La Tuque. 1912-1987. Shawinigan, Publicité Pâquet, 1987.

(3) Souvenirs du Dr Max Comtois - http://drcomtois.situs.qc.ca/


(4) Lucien Filion. Histoire de La Tuque à travers ses maires (1911-1977), Trois-Rivières, Éditions du Bien Public, 1977.

jeudi 10 décembre 2009

Témoignage sur la venue de Corbeil
à La Tuque, en 1908

C’est celui d’Alphide Tremblay**, l’un des pionniers de la ville, un homme d’affaires, que j’ai trouvé dans un petit ouvrage de facture artisanale, L’appel de minuit. Préliminaires. Grand-Père Alphide, dont les textes, dactylographiés, ont été reproduits tels quels et reliés plus que simplement. La couverture, plutôt neutre, ne mentionne ni éditeur, ni date. L’auteur en est Paul de Claver, pseudonyme de L.-P. Tremblay, un fonctionnaire fédéral, selon la Bibliothèque nationale du Québec, à la Commission géologique du Canada.

Premières lignes de la présentation du livre.

Un entrefilet de l’hebdomadaire de Shawinigan, Les Chutes , en date du 10 novembre 1954, signale qu’Alphide Tremblay a été interviewé à la télévision de Radio-Canada sur ce livre récemment paru.


Voici le passage où Tremblay se rappelle la venue et l’installation de Corbeil à La Tuque.

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[**] Alphide Tremblay est né à St-Alphonse-de-Ligouri, près de Bagotville, le 31 octobre 1867, et est décédé à La Tuque, le 6 octobre 1957.Il avait 27 ans lorsqu'il épousa Arthémise Larouche, le 16 avril 1894. Celle-ci, née le 18 juin 1874, est décédée à Québec, le 6 février 1949.

Si ces informations généalogiques sont véridiques, l'auteur de l'entrefilet de 1954 aurait vieilli Tremblay de quelque huit années.

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Aux archives du Séminaire Saint-Joseph, à Trois-Rivières, j’ai déniché ces quatre photos de Corbeil, que je n’ai ou malheureusement pu que photocopier, d’où leur mauvaise qualité.

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Eugène Corbeil en 1928. Extrait de l’essai de Lucien Filion, L’histoire de La Tuque à travers ses maires (1911-1977) - (Trois-Rivières, Le Bien public, 1977).

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Osias Corbeil

Le prêtre dont le portrait figure au coin supérieur droit de la page de droite est Osias Corbeil, frère du curé de La Tuque. Missionnaire au Yukon et en Alberta et au Manitoba de 1898 à sa mort, le 9 mars 1918, auprès de ce dernier. Il est enterré à La Tuque.

«Dans le Yukon», L’Album universel, 24 octobre 1903.

Le Weekly Star, de Dawson City, le 4 avril 1903, mentionne que «Father Corbeil» a assisté, à Whitehorse, à une rencontre officielle relative à l’établissement d’écoles publiques.

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vendredi 20 novembre 2009

Autre célébration
d'Eugène Corbeil

Eugène Corbeil et sans doute l’oblat Étienne Guinard,

dans une réserve amérindienne ,dans les années 1930.

Le dernier hommage écrit rendu à Corbeil est d’Alcide-Aldori Dupont, greffier de la ville de La Tuque de 1939 jusqu’à 1964 environ. Il fait partie d’un long document que Dupont présenta à ses patrons, le maire Lucien Filion et le gérant municipal Léo Archambault, en août 1962.

Dupont vers 1930. Photo fournie par Hervé Tremblay.

Intitulé « Histoire de la ville de La Tuque, 1908-1962 », il s’agit d’un long document de 225 feuillets, dactylographiés sur papier grand format, et tirés à plusieurs exemplaires ronéotypés. Il est demeuré à l’état de manuscrit.

Autobiographie tirée d’un ouvrage en souscription, Vedettes 1952. Le fait français au Canada,

Montréal, Société nouvelle de publicité, 1953.

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Il m’a semblé utile de reproduire cet extrait sur Corbeil puisqu’il n’est pas facilement accessible.

Les feuillets numérisés proviennent d’un exemplaire qui a appartenu à l’une de mes tantes maternelles.


ALCIDE-ALDORI DUPONT et ÉLIANE BERGERON

Dupont fut l’un des nombreux prétendants de ma tante Éliane, l’aînée

de la famille de Joseph et d’Élodie Bergeron, née le 6 décembre 1903, à Saint-Agapit.

Éliane Bergeron, La Tuque, vers 1933.

Voici ce qu’elle a écrit dans un recueil de textes sur les familles Bergeron et Paquet.

« Je ne connais guère ma paroisse natale, la famille ayant résidé à Lyster, et ensuite à La Tuque. Cette fois, ce fut pour un demi-siècle. J’ai donc quitté ‘le petit pays de mes ancêtres’, alors que j’avais tout juste l’âge de raison.

Après mes premières années de scolarité, j’entre à l’École normale de Nicolet dirigée par les religieuses de l’Assomption. À 16 ans, j’obtenais mon Brevet académique d’enseignement. De l’Université Laval de Québec, je reçois également un diplôme supplémentaire de culture générale. Étant trop jeune pour avoir le droit d’enseigner, j’étudie un an de plus au pensionnat de Nicolet en attendant d’avoir 18 ans. En 1921, je me lance dans l’enseignement, c’est ce que je désirais. Pendant 11 ans, j’enseigne au couvent de La Tuque.»

Éliane a toujours eu une vie intellectuelle intense. Abonnée à des revues éditées en France, elle a fait partie d’un club d’échanges de cartes postales, participé à un genre de courrier, probablement dans le quotidien de Québec, Le Soleil. Possédant une calligraphie impeccable, on la chargeait de la rédaction d’adresses, de compliments pour des activités, des anniversaires.

Elle partageait cette passion de l’écriture et de la lecture avec Aldori Dupont. Je conserve précieusement un scrap book de poèmes, pensées, dactylographiés par cet ami; ainsi que des carnets où elle notait des pensées, des biographies d’écrivains, ainsi que des volumes d’art.

«Amicalement à Mlle Éliane Bergeron : Par A.Aldori Dupont»

En 1934, Éliane et son époux, Jules Trottier, s’installent à Montréal. Pour occuper ses loisirs, elle s’inscrit à l’Université de Montréal et, en 1937, obtient un diplôme en sciences sociales, une des premières femmes à le faire.

Poèmes de Dupont dédiés à ma tante Éliane et signés de ses initiales.

Après le décès de son mari, elle recommence à enseigner pendant 21 ans. Elle vécut jusqu’à l’âge vénérable de 99 ans et 10 mois.

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Petite prose en hommage à La Tuque publiée par Éliane Bergeron

sous le pseudonyme de « Liane». 2 décembre 1933.
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Aldori Dupont, vers 1960. Tiré d'une annonce publiée dans l'album du cinquantenaire
de l'arrivée des maristes à La Tuque. 1961.
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jeudi 5 novembre 2009

Eugène Corbeil : 25 ans à
La Tuque,

«portique des Laurentides»

En janvier 1933, Lucien Desbiens, «rédacteur» au journal Le Devoir, fait paraître dans ce quotidien montréalais un survol du premier quart de siècle de la ville de La Tuque et rappelle les projets qu’Eugène Corbeil y a réalisés à titre de curé de la paroisse Saint-Zéphirin.

Son article est reproduit dans La Gazette du Nord, le 19 février 1933. Il fait la une de ce journal publié à Amos, en Abitibi. C’est sans doute Aldori Dupont, le correspondant latuquois du journal, imprimé à Lévis, qui a signalé cet article à la rédaction et suggéré sa publication.

Desbiens va reprendre plusieurs passages, souvent textuellement, de son article dans Au cœur de la Mauricie (La Tuque), petit livre qui sera publié, plus tard dans l’année, aux Éditions du «Bien Public», à Trois-Rivières, à la demande d’Albert Tessier, prêtre qui s’intéresse à l’histoire régionale.


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Je ne sais pas si Corbeil aura apprécié l’ironie de voir une annonce de «gros gin» écraser, à la page 4, la deuxième partie de sa célébration, lui qui tempêtait contre la consommation d’alcool alors même qu’il ne se gênait pas pour se rincer le dalot.

Page 4 de L’Écho du Nord, du 10 février 1933.

Ainsi, au temps des Fêtes, invité de mes grands-parents, Joseph-Honoré et Élodie Bergeron, Corbeil ne cachait pas sa satisfaction à la dégustation du cocktail que ceux-ci préparaient pour l’occasion.

Mon grand-père Bergeron donnant sa bénédiction paternelle. A droite, ma grand-mère.

Mes grands-parents écoutant une petite déclamation de ma fille Louise. La Tuque, 1965.

LE COCKTAIL AU GIN ET AU SIROP D’ÉRABLE

de Jos.-Honoré Bergeron

Mon grand-père préparait ce nectar plusieurs mois à l’avance, ce qui lui donnait plus de puissance ! Il nous disait toujours : «Attention ! ça paraît pas, mais ça frappe. »

Doux et sucré, mais le gin et le vermouth font effet en douce…

Mon grand-père somnolait-il sous l’influence de son petit boire ou faisait-il tout simplement une petite sieste ? Il avait dépassé les 90 ans. Au mur, le portrait de ma tante Éliane, qui fut la secrétaire de Corbeil. La Tuque, 1966.

La recette du cocktail

3 parties de gin ou dry gin

2 parties de sirop d’érable

1 partie de jus de citron

1 partie de vermouth français

Agitez dans un secoueur avec de la glace.

Selon la quantité désirée pour le jour de l’An, fête qui réunissait parfois plus de quarante descendants de quatre générations, dont une vingtaine d’adultes, il en préparait une bonne quantité dans plusieurs cruchons.

Mon oncle Émilien, farceur, agite un cruchon à la façon d’un encensoir. Pas très orthodoxe.

Élodie Bergeron, à 90 ans, en 1970.

Chez les Bergeron, on était épicuriens; on aimait les petits plaisirs de la vie malgré les sermons des autorités religieuses qui prônaient l'abstinence, mais qui pourtant ne dédaignaient pas un petit verre à l'occasion, à l'abri des regards des ouailles.

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Note

Le qualificatif «térésien» réfère au fait que Corbeil avait fait son cours classique au Séminaire de Sainte-Thérèse, devenu le Collège Lionel-Groulx.

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