dimanche 12 avril 2009

LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL
(XXX)

EN GUISE DE CONCLUSION
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De retour dans sa chère paroisse de Saint-Zéphirin, Corbeil va connaître quelques années agréables à recevoir les éloges et les témoignages de reconnaissance de ses ouailles, spécialement en juin 1926, peu de temps après son retour de l’étranger.

Source : J.-B.-A. Allaire, Dictionnaire biographique du clergé
canadien-français. Les contemporains,
St-Hyacinthe, Imprimerie de «La Tribune», 1908, p. 140.
Archives de Pierre Cantin.

Le 30 juin 1926 marquera le vingt-cinquième anniversaire de son ordination.

Il avait été ordonné prêtre par Narcisse-Zéphirin Lorrain, l’évêque de Pembroke, le 29 juin 1901, et célébré sa première messe à l’église de Hull, le 30 juin.
Narcisse-Zéphirin Lorrain

Pour cette occasion, il avait invité un de ses oncles, Adolphe-Basile Routhier, juge de la Cour supérieure, à y assister. Le juge, frère de sa mère Ovida, était une figure très connue, car il avait écrit, en 1880, les paroles de la chanson «Ô Canada», qui allait être proclamée l’hymne national canadien, un siècle plus tard.
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Dans le cadre de ce jubilé, le mardi 8 juin 1926, la Ville de La Tuque émit cette proclamation.

PROCLAMATION

À TOUS LES CITOYENS DE LA VILLE DE LA TUQUE

ATTENDU que samedi et dimanche prochain, notre petite ville sera le témoin de fêtes grandioses, et célébrera le Jubilé d’Argent de son digne curé

Afin de permettre à tous de prendre part à ces fêtes, nous proclamons SAMEDI le 12 courant, FÊTE CIVIQUE, et nous invitons tous les marchands, industriels, hommes d’affaires professionnels et autres, à fermer leurs établissements et leurs bureaux, et à prendre part au programme de ce jour.

Nous invitons toute la population à célébrer comme il convient, le 25ième Anniversaire de l’élévation à la prêtrise du fondateur de notre paroisse, de ce prêtre qui a consacré la majeure partie de sa vie à notre bien-être religieux et moral autant que matériel.

Nous invitons également tous les citoyen de cette ville à décorer leurs résidences aux couleurs papales et nationales et à illuminer la devanture de leurs magasins et de leurs maisons, de 9 heures du soir à minuit SAMEDI ET DIMANCHE SOIRS.

EN FOI DE QUOI, nous émettons la présente proclamation, à La Tuque, ce mardi 18 juin 1926.


W[enceslas] PLANTE, maire.

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Les 25 ans de sacerdoce d’Eugène Corbeil célébrés
par la communauté protestante de La Tuque.



The Brown Bulletin, juillet 1926. Archives d’Hervé Tremblay.

Sur le coup, j’ai trouvé plutôt étrange cette page trois du Brown Bulletin de juillet 1926 consacrée à celui qui, à l’époque, menaçait d’excommunier ses ouailles qui oseraient fréquenter les activités sociales organisées par le Community Club que la Brown Corporation a fait construire en 1921, à l’intention de tous ses employés. Certes, il avait lui-même entrepris, quelques années auparavant, de faire ériger une salle paroissiale qui aurait comme vocation de garder les brebis dans le giron de leur bien-aimé pasteur, hors de la portée des méchants protestants anglophones. Belle initiative, sans doute, mais défrayée, une fois de plus, par les paroissiens eux-mêmes...

L’article du correspondant anglophone est bien documenté, c'est un véritable panégyrique : biographie en raccourci de l’homme, un esprit éclairé qui a su se mériter la confiance des Brown, souligne-t-il, référence au réseau familial prestigieux (un évêque, un juge), célébration dithyrambique de ses multiples réalisations à titre de promoteur d'institutions sociales et religieuses là où il est passé, dont l'établissement de ce «club» destiné à assurer de sains loisirs aux francophones de la ville.

Bien sûr, l'entreprise s'inscrivait dans les intérêts très immédiats de la toute puissante papetière: avoir Corbeil dans sa manche. C’est par lui que la Brown s’assurait d’avoir un contrôle quasi complet sur la population francophone. Par exemple, ce n’est pas le pasteur ultramontain qui, par exemple, aurait encouragé, de son autorité, la mise sur pied d’un syndicat, des employés de l'usine. Bien au contraire : dans l'histoire du syndicalisme au Québec, bien rares furent les potentats de l'Église à prendre ouvertement le parti des ouvriers...
En fait, cette bonne entente entre deux formes d'autorité, la temporelle et la spirituelle, n’était que la répétition d’une plus imposante, plus englobante, qui remontait à la reddition de la Nouvelle-France : le clergé aurait les mains libres aussi longtemps qu'il tiendrait les Canadiens français loin des affaires des nouveaux maîtres de la colonie. Qu’il s’occupe à les persuader qu’ils sont en Amérique pour assurer la survie du catholicisme et du fait français, les pieds ancrés dans les sillons de leur terre – leur royaume était dans l’au-delà –, le bon clergé pourrait continuer à percevoir sa dîme et en disposer à sa guise !

Tandis que Corbeil interdisait à ses ouailles de frayer avec les protestants, allant jusqu’à menacer ceux et celles qui participeraient aux fêtes organisés par ces derniers de leur refuser l’absolution, lui-même les fréquentait, faisant même partie de conseils d’administration (seul francophone parfois) d’associations et de clubs dirigés par les cadres de l’usine.

Une parente, Irène Demers-Bélanger, m’a raconté qu’une année Corbeil avait affirmé en chaire que le bal du jour de l’An des anglophones était une occasion de péché et que, s’il était appelé pour administrer les derniers sacrements à une personne qui y serait allée, il les lui refuserait [1]. Cette fois-là, ma grand-mère avait conseillé à ses filles de s’abstenir. Quelle déception pour les deux belles jeunes filles, Éliane, ma tante, et Simone, ma mère, de ne pouvoir aller danser avec leurs fiancés et étrenner les magnifiques robes de bal, cousues par leur mère, Élodie.

Ma grand-mère, Élodie Bergeron.

Je me suis toujours demandé si ma mère n’avait pas perdu son poste d’enseignante au couvent parce qu’elle était allé au fameux bal du jour de l’An organisé au Community Club. Mais je me demande si les notables de la place étaient vraiment touchés par les interdictions du curé ?

Ma mère, Simone Bergeron, à vingt ans.
La photo est sans doute de sa soeur Éliane.


Simone Bergeron, La Tuque. Photo : Monique Raîche.

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[1]
Témoignage recueilli dans les années 1990.

Extrait d'une livraison spéciale de L'Écho de La Tuque.
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J'ai l'intention de poursuivre la publication de mon blogue sur Corbeil en y inscrivant des anecdotes reliées aux expériences de ma famille.

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Il ne faudrait pas manquer l’émission J’Y SUIS, J’Y RESTE, consacrée à la Mauricie et diffusée le mardi 14 avril, à 22 h 30, à la chaîne TV5. Hervé Tremblay y apparaît.
L’émission est l’objet de trois reprises par la suite : jeudi 10 avril, à 9 h 30; vendredi 17 avril, à 19 h, et dimanche 19 avril, à 8 h 30.
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