vendredi 30 janvier 2009

LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL
(XXIII)
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TROISIÈME SÉJOUR EN FRANCE
(Seconde partie)

MAI, JUIN, JUILLET 1930
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[À Éliane Bergeron, La Tuque]

Paris, 19 mai 1930

Ma chère enfant.
J’en ai enfin fini avec le Dr Ramon et je suis très heureux du résultat de ces consultations et examens. Mon état de santé est susceptible de parfaite guérison et le traitement et le séjour à Vichy s’imposent. – C’est le seul moyen de récupérer ma santé et voir clair pour l’avenir dans le régime que je devrai suivre pour éviter du traitement. – C’est un régime très énergique et qui produira les meilleurs résultats. – En tout cas, j’ai la conviction de l’utilité de ce voyage comme de sa nécessité !
Dr Ramon me disait que j’étais un client-né de Vichy et que j’aurais dû y venir plus tôt. Non seulement mon cœur était malade, non seulement mon sang était intoxiqué par le poison, mais mon foie était très malade, et je ne m’en doutais pas.

La correspondance avec les amis et parents du Canada est la seule vraiment utile réaction contre le cafard ! Voilà comment l’exil fait des écrivailleurs sinon des écrivains. – Je vais demain entendre Daudet et d’autres orateurs dans une grande assemblée royaliste et, après demain, en route pour Vichy.

Souvenirs affectueux à tous et à toi l'assurance de mon profond et affectueux attachement.
Eug.

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NOTES

Ce Daudet que Corbeil s’apprête à aller entendre, c’est Léon Daudet (1868-1942), le fils de l’écrivain Alphonse et l’un des fondateurs de la feuille d’extrême droite Action française. Le journaliste a en effet donné une conférence à Paris en ce mois de mai 1930, après sa sortie de prison, où il purgeait une peine pour ses idées fascistes, royalistes, et avoir proféré des insultes et de faux témoignages envers des députés. Faut-il dans ce geste du curé voir une certaine sympathie envers les idées de Daudet ?

Quelques détails intéressants que m’a fournis Pierre Cantin : l’abbé Sylvio Corbeil (1860-1949), frère du curé latuquois, fut l’un des professeurs de Lionel Groulx, au Séminaire de Saint-Thérèse, et aussi son directeur spirituel.
Plus tard, devenu prélat domestique – ce qui lui permet d’être appelé pompeusement «monseigneur» –, il sera principal de l’École normale Saint-Joseph, à Hull, et on trouve on trouve son nom à titre de censeur du diocèse d’Ottawa, dans un essai du dominicain M. Ceslas Forest sur l’Église et le divorce au Canada (Le Droit, 1920), ouvrage qui reçut deux prix (prix d’Action intellectuelle, section «Philosophie» et prix Perrin) et qui fut traduit en anglais l’année suivante.

Le provincial des dominicains, Raymond-Marie Rouleau (1866-1931), deviendra
évêque de Valleyfield, en 1923, et archevêque de Québec, en 1926.
Numérisation : Pierre Cantin.

Une rue de Gatineau, secteur Hull, dans le quartier Parc de la Montagne, porte le nom de Sylvio Corbeil et l'édifice où logeait l'ancienne école normale, fondue en 1968 au nouveau Cégep de Hull
(depuis Cégep de l'Outaouais), abrite le Collège St-Joseph, une école secondaire privée pour jeunes filles.
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