vendredi 24 octobre 2008

LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL

(XIII)

La croisière de 1925

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Causerie du 10 mai 1925 (onzième tranche)

LA TURQUIE

C O N S T A N T I N O P L E

« D’Athènes, nous nous dirigeons sur Constantinople. Nous y arrivons à la tombée du jour. Il pleut et le brouillard nous empêche de jouir du spectacle grandiose de la Corne d’Or. Cependant, il nous est facile d’imaginer la beauté du port et de la ville quand le soleil les enveloppe de sa lumière.

Constantinople fut pendant des siècles les champs de bataille où venaient se mesurer les puissances asiatiques contre les puissances occidentales. Puis, un jour, Constantin en fit la capitale de tout l’empire romain. Pendant 900 ans, elle fut pour ainsi dire le centre de l’histoire du monde. Tous les trésors de l’art et de la science affluèrent dans ses murs et ses empereurs, pour l’enrichir, dépouillèrent la Grèce, la Syrie, l’Égypte et leurs trésors. Puis, en 1452, elle fut conquise par Mahomet le conquérant, et demeura jusqu’à nos jours sous la domination turque, malgré les convoitises de la Russie ou des autres peuples slaves.

Tous ces souvenirs historiques me reviennent à la mémoire quand nous descendons sur les quais pour visiter la grande ville de l’Orient avec son million et demi de population. Malheureusement, la pluie froide continue à tomber et la visite de ces gigantesques beautés n’a plus le même attrait. Tout de même, malgré la pluie, nous goûtons beaucoup cette merveilleuse visite. »

Carte rapportée par Corbeil.

« Je ne puis décrire tout ce que j’ai vu. Bornons-nous donc aux principaux monuments. D’abord, la mosquée de Sainte-Sophie, le plus beau monument du monde entier peut-être, après Saint-Pierre de Rome. C’est aussi la plus grande église après Saint-Pierre. Les Turcs ont fait disparaître tout ce qui rappelait le culte catholique, mais les visiteurs au courant des usages chrétiens les devinent facilement.

La construction de Sainte-Sophie dura 16 ans et nécessita le travail de 10 000 ouvriers. Quand elle fut finie, dit l’histoire, l’empereur, en franchissant le seuil pour l’inauguration, s’écria : ‘ Gloire à Dieu, qui m’a jugé digne d’accomplir cette œuvre grandiose; je t’ai vaincu, Salomon.’

Quelques siècles plus tard, Mahomet, le conquérant, y pénétrait sur son cheval de guerre et s’écriait : ‘ Il n’y a de dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. ’ Et depuis 475, Sainte-Sophie est une mosquée musulmane. Dieu n’a pas voulu de cette merveille et ne paraît en vouloir. Est-ce parce qu’elle est faite avec les richesses volées aux peuples faibles ? Mystère ! »

La date du cachet de la poste, appliqué à La Tuque le 17 février 1925, est sans doute celle de la réception de la carte.

« Les colonnes qui soutiennent sa voûte et son dôme sont en porphyre; celles de la porte d’entrée, en brèche verte; c’est là qu’est la pierre qui pleure. C’est une pierre humide et, quand on la touche, elle devient aussitôt humide. Un large trou est creusé dans la pierre à force d’y entrer le doigt ! Tous les murs sont en marbre et, à un endroit du mur, on y voit une main tendue. On prétend que Mahomet, en entrant dans l’église sur son cheval de guerre, y a appuyé sa main et que l’empreinte en est restée. Les figures des anges et des archanges que les chrétiens avaient sculptées dans la voûte sont recouvertes avec des feuilles de laurier en or.

Nous avons donc visité le beau monument en nous conformant aux lois musulmanes. Nous avons mis par-dessus nos chaussures de grandes chaussettes et nous avons fait, dans un silence relatif, le tour de la grande mosquée pendant que les pieux musulmans, prosternés sur les tapis qui couvrent le plancher, faisaient leurs prières et récitaient le Coran.

Il y a à Constantinople plusieurs autres mosquées de grande beauté et de grande valeur; par exemple, la mosquée de Soliman, dont tout l’intérieur est en vieille faïence bleue. Nous visitons aussi la Citerne Théodosia (Théodose) qui servait à alimenter les quartiers impériaux durant les sièges qu’ils durent subir. C’est un immense souterrain dont la voûte est soutenue par 336 colonnes. C’est très beau et très curieux à visiter.

Nous visitons beaucoup d’autres monuments et nous terminons par la visite du bazar. C’est une immense maison divisée en une infinité de larges corridors qui font comme des rues, et, tout le long de ces corridors, il y a des magasins (400), disent les prospecteurs. C’est un labyrinthe où l’on se perd facilement si on n’a pas de guide. Et, dans ces magasins, on trouve tout ce que l’on peut désirer acheter. La foule qui circule dans ces couloirs appartient à toutes les races de la terre. C’est un spectacle pittoresque et très curieux de regarder agir toutes ces personnes aux costumes voyants et bizarres.

Nous retournons au bateau, qui part pour Beyrouth. »

(À suivre)

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Transcription du texte de la carte postale postée d’outre-mer à Éliane Bergeron.

31 jan. 1925

Je ne puis trouver les paroles qu’il faudrait pour dire la splendeur de Constantinople. C’est le pays des fééries, de grandes architectures.

J’en rêverai tout le temps.

Amitiés à tous.

Eu. C. ptre

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