LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL
(XXVII)
* * * * *
TROISIÈME SÉJOUR EN FRANCE
(Sixième partie)
MAI, JUIN, JUILLET 1930
V I C H Y
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TROISIÈME SÉJOUR EN FRANCE
(Sixième partie)
MAI, JUIN, JUILLET 1930
V I C H Y
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Ma chère enfant,
J’ai reçu ta bonne lettre ce matin. (1) Tu ne saurais croire comme elle a été la bienvenue. – C’est que, en dépit de toutes les vieilles curiosités européennes, je reste plus attaché que jamais à mon cher Canada et surtout à ma chère Tuque [sic]. –
Mon jeune pays n’a pas la vieille histoire, les vieux monuments de la France, il n’a pas non plus ses vieilles traditions et ses vieux préjugés. (2) Mais il a ce que le vieux monde n’a plus, la nature vierge des grands espaces, des richesses inexploités et une exubérance de vie heureuse et libre qu’on ne connaît plus ici. C’est le pays des classes, ici, séparées les unes des autres par des cloisons étanches et par des préjugés plus épais que les fortifications de Québec. – C’est le pays de fonctionnaires grincheux et tatillons. – Il semble qu’il n’y ait pas de solidarité entre les Français. – Chacun a sa politique et se défie de son voisin. – Non, il ne fait pas bon vivre ici, (3) quand on a vécu dans le cher Canada et surtout dans la Province de Québec et à La Tuque. – Tu ne me croiras pas sans doute, et tu vas déplorer mon aveuglement qui me fait « réaliser comme je suis chanceux ». Il est vrai que nous trouvons en France des valeurs uniques et exceptionnelles : par exemple, Vichy. Il y a ici des sources de Jouvence merveilleuses. – Des centaines de milles [sic] (4) y viennent chaque année y chercher la santé et ne sont pas déçus. – Moi-même, j’y ai trouvé une amélioration générale qui pourra bien être la guérison parfaite.
Je n’avais pas seulement le diabète, mais aussi le foie très malade. Et c’est pour cela que je ne pouvais me remettre. Eh bien ! grâce aux eaux de Vichy, mon foie est guéri. – Il est malheureux qu’on ne puisse emporter ces eaux. – Il faut venir les boire quand elles jaillissent de la source, car dès qu’elles sont rec[ue]illies, elles perdent leur vertu radio-dermique. – Elles ne sont plus que des eaux minérales, utiles sans doute, mais insuffisantes pour guérir le diabète ou le foie.
J’aurai fini ma cure dans huit jours. – Je quitterai Vichy vers le 26 ou 27 juin. – Je passerai quelques jours à Paris et je prendrai le premier bateau pour Québec. Ce sera, je crois, le 5 juillet et je serai à Québec le 12 juillet. J’irai à Ottawa passer le dimanche et régler certaines affaires (5) et je rentrerai à La Tuque vers le 15 ou le 16 juillet. –
Que j’ai donc hâte d’être enfin chez moi. – Merci de toutes les nouvelles données. – J’imagine ce qu’a pu être la fête des Arbres (6) et je ne regrette pas trop mon absence.
Amitiés à tous les tiens et à tous et à toutes de ma chère Tuque.
Bien sincèrement
Eug. C. ptr.
1. À la lecture de ce passage, il m'apparaît de plus en plus étrange, et éminemment étonnant, que, dans les archives de la paroisse Saint-Zéphirin, ou du moins celles de Corbeil, confiées à la Société historique de La Tuque et du Haut-Saint-Maurice, on ne trouve aucune correspondance adressée au curé. Dans tout fonds d'archives, les échanges épistolaires sont des documents de première main, des pièces de résistance, ceux que l'on conserve d'abord.
2. Corbeil a dû oublier les propos franchement misogynes qu’il a tenus lors de sa visite en Algérie, en 1925.
3. Un autre préjugé : il me semble que les millions de Français ne sont pas si malheureux; la preuve, c’est que l’immigration française vers le Canada a toujours été infime.
4. Sur une carte précédente, Corbeil mentionnait qu’environ 200 000 personnes visitaient Vichy, sans préciser si c’était par jour ou par année. Cette dernière allusion montre bien que ce serait par année.
5. À cette époque, la paroisse de La Tuque faisait partie du diocèse d’Haileybury, en Ontario, devenu celui de Timmins en 1938.
6. La fête des Arbres a été instaurée légalement en 1882 (référence légale) par la Loi sur les
Terres et Forêts, dans le but de promouvoir la conservation des forêts.
J’ai reçu ta bonne lettre ce matin. (1) Tu ne saurais croire comme elle a été la bienvenue. – C’est que, en dépit de toutes les vieilles curiosités européennes, je reste plus attaché que jamais à mon cher Canada et surtout à ma chère Tuque [sic]. –
Mon jeune pays n’a pas la vieille histoire, les vieux monuments de la France, il n’a pas non plus ses vieilles traditions et ses vieux préjugés. (2) Mais il a ce que le vieux monde n’a plus, la nature vierge des grands espaces, des richesses inexploités et une exubérance de vie heureuse et libre qu’on ne connaît plus ici. C’est le pays des classes, ici, séparées les unes des autres par des cloisons étanches et par des préjugés plus épais que les fortifications de Québec. – C’est le pays de fonctionnaires grincheux et tatillons. – Il semble qu’il n’y ait pas de solidarité entre les Français. – Chacun a sa politique et se défie de son voisin. – Non, il ne fait pas bon vivre ici, (3) quand on a vécu dans le cher Canada et surtout dans la Province de Québec et à La Tuque. – Tu ne me croiras pas sans doute, et tu vas déplorer mon aveuglement qui me fait « réaliser comme je suis chanceux ». Il est vrai que nous trouvons en France des valeurs uniques et exceptionnelles : par exemple, Vichy. Il y a ici des sources de Jouvence merveilleuses. – Des centaines de milles [sic] (4) y viennent chaque année y chercher la santé et ne sont pas déçus. – Moi-même, j’y ai trouvé une amélioration générale qui pourra bien être la guérison parfaite.
Je n’avais pas seulement le diabète, mais aussi le foie très malade. Et c’est pour cela que je ne pouvais me remettre. Eh bien ! grâce aux eaux de Vichy, mon foie est guéri. – Il est malheureux qu’on ne puisse emporter ces eaux. – Il faut venir les boire quand elles jaillissent de la source, car dès qu’elles sont rec[ue]illies, elles perdent leur vertu radio-dermique. – Elles ne sont plus que des eaux minérales, utiles sans doute, mais insuffisantes pour guérir le diabète ou le foie.
J’aurai fini ma cure dans huit jours. – Je quitterai Vichy vers le 26 ou 27 juin. – Je passerai quelques jours à Paris et je prendrai le premier bateau pour Québec. Ce sera, je crois, le 5 juillet et je serai à Québec le 12 juillet. J’irai à Ottawa passer le dimanche et régler certaines affaires (5) et je rentrerai à La Tuque vers le 15 ou le 16 juillet. –
Que j’ai donc hâte d’être enfin chez moi. – Merci de toutes les nouvelles données. – J’imagine ce qu’a pu être la fête des Arbres (6) et je ne regrette pas trop mon absence.
Amitiés à tous les tiens et à tous et à toutes de ma chère Tuque.
Bien sincèrement
Eug. C. ptr.
NOTES
1. À la lecture de ce passage, il m'apparaît de plus en plus étrange, et éminemment étonnant, que, dans les archives de la paroisse Saint-Zéphirin, ou du moins celles de Corbeil, confiées à la Société historique de La Tuque et du Haut-Saint-Maurice, on ne trouve aucune correspondance adressée au curé. Dans tout fonds d'archives, les échanges épistolaires sont des documents de première main, des pièces de résistance, ceux que l'on conserve d'abord.
2. Corbeil a dû oublier les propos franchement misogynes qu’il a tenus lors de sa visite en Algérie, en 1925.
3. Un autre préjugé : il me semble que les millions de Français ne sont pas si malheureux; la preuve, c’est que l’immigration française vers le Canada a toujours été infime.
4. Sur une carte précédente, Corbeil mentionnait qu’environ 200 000 personnes visitaient Vichy, sans préciser si c’était par jour ou par année. Cette dernière allusion montre bien que ce serait par année.
5. À cette époque, la paroisse de La Tuque faisait partie du diocèse d’Haileybury, en Ontario, devenu celui de Timmins en 1938.
6. La fête des Arbres a été instaurée légalement en 1882 (référence légale) par la Loi sur les
Terres et Forêts, dans le but de promouvoir la conservation des forêts.
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