dimanche 13 septembre 2009

EUGÈNE CORBEIL, MES ONCLES BERGERON

ET LE SCOUTISME À LA TUQUE



Eugène Corbeil et David Maltais, décoré de trois médailles pour bravoure,

au camp scout de Pointe-à-la-Mine, en 1936.

Information fournie par Hervé Tremblay.

Mon oncle maternel Paul-Henri Bergeron a été très actif au sein du mouvement scout latuquois, et son frère Lionel a fait partie des louveteaux.

Paul-Henri a passé toute une année à rédiger ses souvenirs. Le récit est truffé d'anecdotes savoureuses sur ses années d'enfance et de jeunesse à La Tuque. On y trouve plusieurs noms connus des résidants de la ville, dont les Scarpino, Maheux, Fortin, Gravel, Scalzo, Robert Tremblay, surnommé «Caron», un raconteur d'histoires.


Paul-Henri Bergeron, 19 ans. Lionel Bergeron, 24 ans.


De ses expériences scoutes, mon oncle écrit ceci.


« Pendant les années 1932-1933, monseigneur Comtois, évêque du diocèse de Trois-Rivières, formule le vœu de fonder le scoutisme à La Tuque. Le curé Corbeil, de la paroisse St-Zéphirin, désigne l’abbé Perron pour organiser le mouvement. C’est un jeune prêtre très dévoué à la cause des jeunes garçons.

[…]

Les autorités en place décident de fonder deux troupes de scouts; on fait donc un choix parmi les jeunes, je suis choisi et j’emboîte le pas avec une soixantaine d’autres jeunes pour commencer le mouvement. Après quelques mois d’apprentissage, le scoutisme à La Tuque fonctionne à plein. On ne s’arrête pas là, les responsables décident de fonder les louveteaux. Je suis choisi pour former le groupe avec l’aide des scouts de Trois-Rivières, je deviens donc « Akela », le grand maître Loup.

Le choix, encore une fois, se fait parmi 60 petits garçons de 6 à 8 ans, je dois vous vous avouer que ce ne fut pas facile d’organiser deux meutes de louveteaux . Pour la bonne marche de ma sixaine de louveteaux, il me fallut construire des tanières, c’était là leur refuge pour mettre en pratique les connaissances acquises. Heureusement que j’avais déjà fait mes premiers pas en bricolage et construction avec mon beau-frère, Hervé Raîche, l’époux de ma sœur Simone, professeur à l’école technique du collège [Saint-Zéphirin]. »


Paul-Henri Bergeron, à gauche, Eugène Corbeil et quelques louveteaux.

La Tuque, 28 avril 1934. Archives de Micheline Raîche-Roy.


«Lorsque le scoutisme fut bien établi, je pense que ce mouvement a été bon pour nous, nous étions invités à diverses occasions pour donner des démonstrations de notre savoir-faire et nous étions hautement appréciés de la population.

J’aimais le mouvement pour la cause des tout petits; en retour, je pense que je me suis aidé moi-même en donnant un peu de mon temps pour ces bouts-de-choux.»


Louveteaux latuquois sur le parvis de l’église Saint-Zéphirin.


«Il faudrait vous raconter aussi que j’ai vécu des moments palpitants et parfois même tragiques, pendant les campements annuels dans la forêt. J’ai goûté un peu de tout jusqu’à perdre des louveteaux la nuit! Il y avait des somnambules dans le groupe, il me fallut organiser des équipes de scouts plus âgés pour les retracer et surtout ne pas les effrayer, c’étaient des expériences fantastiques à vivre.»

Paul-Henri Bergeron. Camp de louveteaux.

Le scout Paul-Henri, le deuxième, à gauche, à l’arrière.

Une partie de sucre dans une érablière de Sainte-Thècle.

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Paul-Henri Bergeron était le troisième fils de Joseph-Honoré Bergeron et d’Élodie Paquet.

Il s’est toujours dit « miraculé », car ses deux petits frères, nés avant et après lui, sont décédés au berceau. C’est pourquoi il a toujours été très proche du dernier-né de la famille, Lionel.


Paul-Henri, 5 ans, et Lionel, 1 an, La Tuque, été 1922 .

Paul-Henri Bergeron et Onésime Tremblay.

Paul-Henri et sa sœur Simone, ma mère, ma sœur Monique et moi.

Montréal, gare Windsor, 1944.


À la fin de ses études à l'École technique, il fut engagé à l’usine latuquoise de la Brown Corporation. Marié et père d’un enfant, Paul-Henri fut quand même conscrit durant la Seconde Guerre mondiale, mais il n’est pas allé outre-mer. À Halifax, il était plus utile comme professeur de mécanique pour former les techniciens affectés à l’entretien des motos de de l’armée.

Paul-Henri est décédé le 24 septembre 1992.


Paul-Henri présente ses souvenirs à sa famille.

Dans l’ordre habituel : Céline, François, Pierre, son épouse, Gisèle Ricard, Paul-Henri, Lisette, Jocelyne et Louise. La photo a été prise devant leur chalet au lac Long,

à Saint-Élie-de-Caxton, été 1988.

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Lionel, le benjamin des Bergeron n'a connu que le mouvement louveteau, car il a quitté très tôt sa petite ville pour faire son cours classique à Montréal et à Québec, puis sa médecine à l'université Laval.


Des années plus tard, les deux neveux de Paul-Henri et de Lionel, Jacques et André, fils de Léo Bergeron, l’aîné des quatre fils de Joseph-Honoré et d’Élodie, et de Germaine Jalbert.
feront également partie des louveteaux à La Tuque.


Jacques et André Bergeon,

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Quelques documents reliés à l’histoire du scoutisme à La Tuque.

Lettre d’Eugène Corbeil à Albert Tessier.

Dans cette lettre du 18 décembre 1934, j’ai l’impression que les remerciements de Corbeil font référence à l’ouvrage de Lucien Desbiens, Au cœur de la Mauricie, que Tessier qui a demandé de rédiger pour sa collection «Pages trifluviennes», publiée aux Éditions du Bien Public de Trois-Rivières. Source : Archives du STR, Séminaire Saint-Joseph, Trois-Rivières.


Extrait de l’essai polycopié d’Aldori Dupont. Celui-ci signale, en octobre 1939, le passage à La Tuque d’un groupe de scouts venus de France.


Dédicace d'Aldori Dupont.


Brochure publié en 1944 à l’occasion du dixième anniversaire de fondation du mouvement scout à La Tuque. L’un des deux prêtres est peut-être Clovis Perron, l’aumônier du groupe.

Gracieusement fournie par Gaston Gravel.


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mardi 9 juin 2009

« FÊTE PATRONALE »
au couvent des Sœurs
de l’Assomption

La Tuque, 6 mars 1928

Retrouvé, dans mes souvenirs de famille, le programme de cette fête en l’honneur d’Eugène Corbeil. Sauf erreur de ma part, le curé devait être également l’objet d’une célébration de cette sorte par les élèves des frères maristes.
Un événement comme il ne s’en fait plus. Saurait-on, de nos jours, trouver le temps, et surtout la patience, de monter une telle activité comportant pas moins de 19 numéros ? Sûrement pas.
Pas de télé, pas de radio, on occupait ses soirées ou ses fins de semaine autrement…

Le programme de la fête, habilement restauré par Gaston Gravel.

Voici la liste des noms des élèves qui participèrent à cette fête. S’y trouvent ma tante, Yvette Bergeron, et celle de Gaston Gravel, Bellaude Gravel.

Ma tante Yvette Bergeron, fille d’Honoré et d'Élodie Paquet, première communiante.
Yvette, couventine.

Bellaude Gravel, en compagnie de deux cheftaines chez les louveteaux de La Tuque : Rachel Simard et Cécile Gervais, qui enseignera à des classes du primaire de l’École Saint-Zéphirin. Photo aimablement fournie par Gaston Gravel.

Je serais reconnaissante à l’égard de toute personne qui pourrait compléter, ou corriger, les prénoms de ces élèves ou me faire parvenir des photos d'elles. Je me ferai un plaisir de les ajouter à la présente page.

Françoise Arseneault – Jacqueline Banville – Juliette Beaudet – A. Bédard – Marguerite Bédard – Françoise Beaulieu – J. Beaulieu – R. Beaulieu – Irène Bélanger – G. Bergeron – Yvette Bergeron - Émilie Bilodeau – Kathleen Bonenfant – Régine Bouchard - Henriette Brassard - Suzanne Chiasson – Yvette Chiasson – J. Cormier – R. Dagenais - Claude Duguay – Claude Duguay – Raymonde Duguay – Rose-Anne Fecteau – Yvette Fontaine - Claire Frenette Denise Gagné – Marie J. Gagné - Thérèse Gagné – Maximilienne Gagnon - G. Gauthier – M. Gervais – Pierrette Gourd – Bellaude Gravel – Brigitte Gravel – Virginelle Grenier –Simone Grimard – Lédéenne Hardy - Simone Hardy – F. Keenan – E. Lambert – A. Lamontagne – Françoise Lamontagne – T. Lamothe – Anne-Marie Langelier – Gisèle Lavoie - G. Leclerc – M. Leclerc – Madeleine L’Espérance – Solange Maltais – Jacqueline Melançon – Noëlla Morin – Madeleine Mulligan – Suzanne (?) Pelletier – Fernande Plante – Monique (?) Plante – Marcelle Plante - Marguerite Potvin – Élizabeth Renald – Anita ou Annette Riberdy – Marie-Thérèse Riberdy – E. Rivard – Simone Rochette – A. Thibodeau - Mary Thompson – Annette Tremblay – F. Tremblay – G. Tremblay – Lucienne Tremblay – Armande Trottier.


Anecdotes sur quelques élèves mentionnées dans le programme.

Kathleen Bonenfant, deuxième, à gauche.
Photo amicalement fournie par Gaston Gravel
Kathleen Bonenfant Staples est la fille ainée de Gertie Berrea et Joseph Edouard Bonenfant. Elle jouait du piano et adorait la musique irlandaise.


La mère de Fernande Plante avait un «magasin de linge», comme me dit ma cousine Irène, à l’endroit ou sera situé ensuite le cinéma Lyric , sur la rue St-Joseph .

Notez le comptoir postal du magasin à rayons montréalais Dupuis Frère.

Claire Frenette et Simone Grimard sont devenues religieuses.

Bellaude Gravel, fille de Réal Gravel et Paméla Lanouette, naquit à La Tuque le 22 mai 1914. Elle a étudié le violon chez les Soeurs de l’Assomption et travailla à la formation de louveteaux en étant leur cheftaine.
Brigitte Gravel, fille de Télesphore Gravel et Antonia Cossette, née le 28 août 1914. Archives d'Éliane Bergeron conservées par Micheline Raîche Roy.

Simone Hardy-Beaudet, Lac-à-Beauce, hiver 1947. Infirmière de profession, fut bénévole pour la Croix-Rouge. Elle était la fille d’Émile Hardy, qui fut maire de La Tuque en 1920- 1921, et aussi gérant de la ville.
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C’est Irène Demers-Bélanger, une petite-cousine de ma mère, qui m’a fourni plusieurs renseignements sur ces jeunes filles.

Mariage d’Irène Demers
Première rangée, de gauche à droite: Archilas, père du marié, Albert Bélanger; Irène Demers; Joseph Demers et Alphonsine Bergeron, les parents de la mariée; Mimi (Micheline Raîche). Deuxième rangée: Madame Chiquigny et Isabelle Trottier-Pelletier; madame Moisan; Lucille Moisan-Demers, belle-soeur d'Irène, épouse de Roland; Éliane Bergeron-Trottier; Simone Bergeron-Raîche. Troisième rangée: Almanzor Veillette; Adéla Bélanger-Vermette, soeur d'Albert; Cécile Morissette; Yvette Brassard-Lortie [?]; Rosaire Lortie, époux d'Yvette.
Peu d’hommes figurent sur cette photo de mariage, et pour cause, ils étaient partis à la guerre, y compris les frères de la mariée, Roland, dans l'armée de terre, et Jean-Marc, dans la marine. Roland fut blessé gravement à une jambe quelques jours avant le débarquement de Dieppe, échappant ainsi à une mort quasi certaine.

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Une anecdote que m’a racontée Irène.

Lors d’une fête en l’honneur de Corbeil, elle devait lancer une rose à ce dernier. À peine âgée de 5 ans, la petite n'avait pu la lancer assez fort, Elle s'est mise à pleurer et le curé l'avait alors appelée et consolée, mais, ajoute-t-elle, la soeur supérieure l'avait grondée.

Irène Demers-Bélanger

L’examen de notre lignée généalogique nous permet de constater que nous descendons à la fois des Bergeron et des Demers. En effet, André Bergeron a épousé, au dix-septième siècle, Marguerite Dumay (Dumais-Demers).
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Dans un courriel, madame Henriette Morand-Gaudreau, de La Tuque, m’écrit ceci à propos d’Eugène Corbeil.

« M. Ozias Corbeil, son neveu, était notre laitier et était aussi un ami de mon père. Lui et sa femme ont été parrain et marraine d'un de mes frères. Il a encore un fils qui demeure à La Tuque, Adrien. »

Souvenir
Cette murale, sur le mur d’une maison de la rue Saint-Antoine, tout près de la rue Saint-Joseph, perpétue le souvenir de l’institution dirigée par les Sœurs de l’Assomption. Inspirée d'une aquarelle d'une Latuquoise, Lee Pelletier, enseignante en arts, l'oeuvre a été exécutée à l'été 1988 par une brigade de muralistes latuquoises :
Pascale Bouchard, M. Claire Larouche, Audrey Lebel et Sandra Tremblay.
Photo : Pierre Cantin, 21 août 2008.
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dimanche 12 avril 2009

LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL
(XXX)

EN GUISE DE CONCLUSION
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De retour dans sa chère paroisse de Saint-Zéphirin, Corbeil va connaître quelques années agréables à recevoir les éloges et les témoignages de reconnaissance de ses ouailles, spécialement en juin 1926, peu de temps après son retour de l’étranger.

Source : J.-B.-A. Allaire, Dictionnaire biographique du clergé
canadien-français. Les contemporains,
St-Hyacinthe, Imprimerie de «La Tribune», 1908, p. 140.
Archives de Pierre Cantin.

Le 30 juin 1926 marquera le vingt-cinquième anniversaire de son ordination.

Il avait été ordonné prêtre par Narcisse-Zéphirin Lorrain, l’évêque de Pembroke, le 29 juin 1901, et célébré sa première messe à l’église de Hull, le 30 juin.
Narcisse-Zéphirin Lorrain

Pour cette occasion, il avait invité un de ses oncles, Adolphe-Basile Routhier, juge de la Cour supérieure, à y assister. Le juge, frère de sa mère Ovida, était une figure très connue, car il avait écrit, en 1880, les paroles de la chanson «Ô Canada», qui allait être proclamée l’hymne national canadien, un siècle plus tard.
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Dans le cadre de ce jubilé, le mardi 8 juin 1926, la Ville de La Tuque émit cette proclamation.

PROCLAMATION

À TOUS LES CITOYENS DE LA VILLE DE LA TUQUE

ATTENDU que samedi et dimanche prochain, notre petite ville sera le témoin de fêtes grandioses, et célébrera le Jubilé d’Argent de son digne curé

Afin de permettre à tous de prendre part à ces fêtes, nous proclamons SAMEDI le 12 courant, FÊTE CIVIQUE, et nous invitons tous les marchands, industriels, hommes d’affaires professionnels et autres, à fermer leurs établissements et leurs bureaux, et à prendre part au programme de ce jour.

Nous invitons toute la population à célébrer comme il convient, le 25ième Anniversaire de l’élévation à la prêtrise du fondateur de notre paroisse, de ce prêtre qui a consacré la majeure partie de sa vie à notre bien-être religieux et moral autant que matériel.

Nous invitons également tous les citoyen de cette ville à décorer leurs résidences aux couleurs papales et nationales et à illuminer la devanture de leurs magasins et de leurs maisons, de 9 heures du soir à minuit SAMEDI ET DIMANCHE SOIRS.

EN FOI DE QUOI, nous émettons la présente proclamation, à La Tuque, ce mardi 18 juin 1926.


W[enceslas] PLANTE, maire.

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Les 25 ans de sacerdoce d’Eugène Corbeil célébrés
par la communauté protestante de La Tuque.



The Brown Bulletin, juillet 1926. Archives d’Hervé Tremblay.

Sur le coup, j’ai trouvé plutôt étrange cette page trois du Brown Bulletin de juillet 1926 consacrée à celui qui, à l’époque, menaçait d’excommunier ses ouailles qui oseraient fréquenter les activités sociales organisées par le Community Club que la Brown Corporation a fait construire en 1921, à l’intention de tous ses employés. Certes, il avait lui-même entrepris, quelques années auparavant, de faire ériger une salle paroissiale qui aurait comme vocation de garder les brebis dans le giron de leur bien-aimé pasteur, hors de la portée des méchants protestants anglophones. Belle initiative, sans doute, mais défrayée, une fois de plus, par les paroissiens eux-mêmes...

L’article du correspondant anglophone est bien documenté, c'est un véritable panégyrique : biographie en raccourci de l’homme, un esprit éclairé qui a su se mériter la confiance des Brown, souligne-t-il, référence au réseau familial prestigieux (un évêque, un juge), célébration dithyrambique de ses multiples réalisations à titre de promoteur d'institutions sociales et religieuses là où il est passé, dont l'établissement de ce «club» destiné à assurer de sains loisirs aux francophones de la ville.

Bien sûr, l'entreprise s'inscrivait dans les intérêts très immédiats de la toute puissante papetière: avoir Corbeil dans sa manche. C’est par lui que la Brown s’assurait d’avoir un contrôle quasi complet sur la population francophone. Par exemple, ce n’est pas le pasteur ultramontain qui, par exemple, aurait encouragé, de son autorité, la mise sur pied d’un syndicat, des employés de l'usine. Bien au contraire : dans l'histoire du syndicalisme au Québec, bien rares furent les potentats de l'Église à prendre ouvertement le parti des ouvriers...
En fait, cette bonne entente entre deux formes d'autorité, la temporelle et la spirituelle, n’était que la répétition d’une plus imposante, plus englobante, qui remontait à la reddition de la Nouvelle-France : le clergé aurait les mains libres aussi longtemps qu'il tiendrait les Canadiens français loin des affaires des nouveaux maîtres de la colonie. Qu’il s’occupe à les persuader qu’ils sont en Amérique pour assurer la survie du catholicisme et du fait français, les pieds ancrés dans les sillons de leur terre – leur royaume était dans l’au-delà –, le bon clergé pourrait continuer à percevoir sa dîme et en disposer à sa guise !

Tandis que Corbeil interdisait à ses ouailles de frayer avec les protestants, allant jusqu’à menacer ceux et celles qui participeraient aux fêtes organisés par ces derniers de leur refuser l’absolution, lui-même les fréquentait, faisant même partie de conseils d’administration (seul francophone parfois) d’associations et de clubs dirigés par les cadres de l’usine.

Une parente, Irène Demers-Bélanger, m’a raconté qu’une année Corbeil avait affirmé en chaire que le bal du jour de l’An des anglophones était une occasion de péché et que, s’il était appelé pour administrer les derniers sacrements à une personne qui y serait allée, il les lui refuserait [1]. Cette fois-là, ma grand-mère avait conseillé à ses filles de s’abstenir. Quelle déception pour les deux belles jeunes filles, Éliane, ma tante, et Simone, ma mère, de ne pouvoir aller danser avec leurs fiancés et étrenner les magnifiques robes de bal, cousues par leur mère, Élodie.

Ma grand-mère, Élodie Bergeron.

Je me suis toujours demandé si ma mère n’avait pas perdu son poste d’enseignante au couvent parce qu’elle était allé au fameux bal du jour de l’An organisé au Community Club. Mais je me demande si les notables de la place étaient vraiment touchés par les interdictions du curé ?

Ma mère, Simone Bergeron, à vingt ans.
La photo est sans doute de sa soeur Éliane.


Simone Bergeron, La Tuque. Photo : Monique Raîche.

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[1]
Témoignage recueilli dans les années 1990.

Extrait d'une livraison spéciale de L'Écho de La Tuque.
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J'ai l'intention de poursuivre la publication de mon blogue sur Corbeil en y inscrivant des anecdotes reliées aux expériences de ma famille.

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Il ne faudrait pas manquer l’émission J’Y SUIS, J’Y RESTE, consacrée à la Mauricie et diffusée le mardi 14 avril, à 22 h 30, à la chaîne TV5. Hervé Tremblay y apparaît.
L’émission est l’objet de trois reprises par la suite : jeudi 10 avril, à 9 h 30; vendredi 17 avril, à 19 h, et dimanche 19 avril, à 8 h 30.
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dimanche 22 mars 2009

Eugène Corbeil en France, 1930 (fin)

LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL
(XXIX)
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TROISIÈME SÉJOUR EN FRANCE
(Huitième et dernière partie)
MAI, JUIN, JUILLET 1930
V I C H Y
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Avec cette dernière carte, numérotée 8 (il m’en manquerait donc sept), se termine la narration de deux voyages d’Eugène Corbeil en Europe. La carte devrait demeurer orpheline jusqu’à ce que je puisse retrouver, dans mes archives de famille, celles qui auraient complété cet envoi de Corbeil à ma tante Éliane.
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À Éliane Bergeron

[...]

P. S.
J’ai bien hâte d’avoir des nouvelles de ta santé, de tes projets d’avenir ! – Iras-tu, en juin, à la campagne ? Le programme tient-il toujours ? – Comme je te l’ai dit : je m’ennuie. J’ai le cafard souvent, malgré que mes amis parisiens me fassent fête. Cela va quand je les vois, mais il y a toujours les longues heures interminables de chambre et de solitude. La grève des postiers a retardé tous les courriers et aucune malle canadienne n’est venue depuis 15 jours. – Tu pourras faire lire les autres cartes aux bonnes sœurs. – Je suis allé hier soir au Français entendre Cécile Sorel [1] dans Sapho. C’était merveilleux de voir cette vieille femme jouer si admirablement avec une tête blonde, ce rôle de jeune fille. – Quel art et combien propre au réveil des souvenirs!
Bien aff[ectueusement].
E. C.
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C O N C L U S I O N

Malgré l’absence de plusieurs cartes et, surtout, de la correspondance qui devrait se trouver dans le fonds paroissial conservé à la SHLTHSM, nous avons pu accompagner Corbeil dans ses déplacements, lors de son premier voyage, tant comme touriste dans ses visites de pays étrangers, que comme pèlerin dans sa visite de lieux de culte. Par contre, grâce à une copie de la conférence donnée au retour de ce voyage, aimablement communiquée par Diane Trottier de la société historique latuquoise – qu’elle en soit de nouveau remerciée ici –, nous avons pu suivre les trois voyageurs et apprendre quantité de détails sur leurs déplacements.

Par ses envois liés au deuxième séjour qu’il fit en Europe, en 1930, nous avons pu connaître les étapes qui semblent l’avoir amené à améliorer sa santé, ou du moins ça une certaine guérison, comme il le soutient dans l’un de ses envois à Éliane. Cet état fut toutefois de bien courte durée, car le curé, bon vivant, se livrera de nouveau à bien des excès, reprenant ses mauvaises habitudes alimentaires malgré les conseils de ses médecins.

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NOTES


[1] Cécile Sorel (Cécile Émilie Seurre), née à Paris, le 17 septembre 1873; morte à Trouville-sur-Mer (Calvados), le 3 septembre 1966. Comédienne, sociétaire de la Comédie-Française. Cécile Sorel, une«vieille femme» ? Elle a 56 ans au moment de cette représentation de 1930.

Corbeil a pu voir une adaptation pour la scène du roman d’Alphonse Daudet au Théâtre-Français.

On peut entendre la comédienne et la voir dans deux extraits vidéo datant de cette époque.
http://www.youtube.com/watch?v=ReakHFz5v28
http://www.youtube.com/watch?v=b294c82E8R8

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samedi 21 mars 2009

Eugène Corbeil en France, 1930 (suite)

LES VOYAGES OUTRE-MER DU CURÉ CORBEIL
(XXVIII)
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TROISIÈME SÉJOUR EN FRANCE

(Septième et avant-dernière partie)

MAI, JUIN, JUILLET 1930 V I C H Y
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Vichy, 20 juin 1930

Ma chère enfant,

Tu as dû recevoir plusieurs lettres de moi et constater que, venu à Vichy pour m’y soigner sérieusement, j’ai fait une cure sérieuse et j’ai ainsi obtenu de beaux résultats. – Encore cinq jours et ce sera fini. Je retournerai à Paris pour quelques jours et je m’embarquerai à Cherbourg vers le 3 ou 4 juillet.

Je serai au Canada vers le 12 juillet. J’irai à Ottawa et à Valleyfield pour régler avec Mgr Langlois [1] l’ordination de Germain [2] et je serai à La Tuque vers le 15 juillet. Tu as joliment bien décrit couchant vu de la «cage». – J’aime à te voir ainsi gaie et heureuse. – J’approuve bien Émilien [3] allant en vacances au lac Dawson, mais je ne puis t’approuver de le suivre. Tu n’as pas la santé nécessaire à cette vie pittoresque mais si rude des grandes forêts. – J’espère que ta chère mère saura te convaincre que cela ne peut t’être profitable. – La campagne de Lotbinière vaut certainement mieux. –

À bientôt et amitiés à toute ta famille.
Sincèrement.

E. C. ptre

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NOTES

[1] Joseph-Alfred Langlois, évêque du diocèse de Valleyfield de 1926 à 1966.

[2] Il s’agit sans nul doute de Germain Hudon, né à La Tuque et qu’on retrouve, en 1952, professeur au scolasticat oblat d’Ottawa.

[3] Émilien Bergeron, mon oncle.
Émilien Bergeron, dans la vingtaine.
Les deux photos sont extraites des archives familiales.

Il fut enfant de chœur et servant de messe de Corbeil. Celui-ci remarqua qu’il était un habile sportif. Il lui confia l‘organisation d’activités physiques et sportives pour les enfants de l’orphelinat latuquois.
Émilien Bergeron et un des petits orphelins. Années 1930.

Émilien excellait au hockey. Sur cette photo (dernier à droite, debout), il pose en compagnie des membres de l’équipe des Canadiens de La Tuque, en 1932. Devant, deuxième de la gauche, Sévère Scarpino, qui sera un infatigable animateur dans le domaine du baseball à La Tuque.
Photo tirée de l’ouvrage de Lucien Filion, Histoire de La Tuque à travers
ses maires (1911-1977),
Trois-Rivières, Le Bien public, 1977.

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